Apprendre à lire

 

Savoir lire est quelque chose de tout à fait magique ! Imaginez toute une page recouverte de petits signes noirs, de petits ronds, de petits traits, des dessins sur papier blanc ou même des marques dans la pierre. Quand on sait décoder ces lettres, notre cerveau les transforme en sons et en couleurs. Lire, c’est acquérir la capacité d’entrer dans la peau des autres, de vivre leur vie, de lire les pensées de personnes disparues et de nous téléporter à l’autre bout du monde ou même dans des univers parallèles.

 

On n’imagine pas à quel point apprendre à lire est un exploit qui défie notre nature.

 

lecture

 

J’apprends à lire, je m’oppose au fonctionnement naturel de mon cerveau.

DECODER : apprendre à lire c’est d’abord apprendre à décoder les lettres et les mots. Heureusement, notre cerveau est câblé depuis des millions d’années pour reconnaître les formes, les régularités dans la nature et pour détecter les lignes de force. C’est un atout pour survivre. En apprenant à lire, nous recyclons cette aire du cerveau dédié à la reconnaissance des formes et nous la réorientons vers la reconnaissance des mots et des lettres.

 

TRANSFORMER : apprendre à lire, c’est apprendre à identifier des signes, des lettres – c’est ce qu’on appelle des graphèmes – pour les transformer en sons, les phonèmes. Ce sont ces phonèmes que le cerveau utilise dans les aires du langage pour intégrer la lecture.

 

REMPLACER : apprendre à lire, on vient de le voir, c’est donc remplacer une entrée auditive par une entrée visuelle. Vaste tâche  !

On sait que ces zones de la parole s’activent déjà chez le bébé qui ne sait pas parler, exactement là où elles s’activeront plus tard chez l’enfant qui sait parler. Sauf que ces zones s’activent dans le cerveau de bébé quand il reçoit des sons, quand il entend du bruit, quand il perçoit un signal audible.

Ce qu’on demande au cerveau de l’enfant quand il apprend à lire, c’est de réagir à un signal inapproprié. On donne à l’enfant des lettres, des mots, des signes qu’il peut VOIR et on lui dit : “réagis comme si tu les avais ENTENDU”. Evidemment, le cerveau de l’enfant fait la grimace ! Ce n’est pas simple, et apprendre demande de l’entraînement.

 

REORGANISER : apprendre à lire réorganise donc le système visuel pour faire de la place au système très efficace du langage parlé dans l’hémisphère gauche. Quand on apprend à lire, tout se réorganise à gauche. Et la vision qui cède un peu de terrain à gauche se renforce dans l’hémisphère droit.

 

CASSER LES MIROIRS : notre cerveau n’est pas uniquement câblé pour reconnaître les formes. Depuis des millions d’années il reconnaît comme un seul objet des images, des visualisations observées de différents points de vue. Qu’il l’observe de droite comme de gauche, d’en haut comme d’en bas, ou inversé dans le reflet d’un miroir, il considère comme une chose unique et invariante l’image d’un ananas. Dans les deux cas il nous informe et dit : “c’est un ananas, miam !”

 

Il est donc complètement naturel que les jeunes enfants écrivent parfois de droite à gauche, ou qu’arrivés en bout de ligne au bord droit de la page, ils repartent à la ligne de droite à gauche. (On appelle cette écriture le boustrophédon, comme les sillons que tracent les bœufs labourant un champ). Pour eux c’est la même chose, c’est le système de reconnaissance miroir qui fonctionne.

 

Lorsque l’enfant qui apprend à lire découvre les lettres “b” et “d” ou “p” et “q”, il les reconnaît comme identiques car son système visuel lui dit : ce sont les mêmes signes, les mêmes lettres, ce ne sont pas des objets différents. Il faut apprendre à perdre cette capacité naturelle de reconnaissance et c’est au fil de l’apprentissage que ces erreurs miroirs disparaissent. Donc pas d’inquiétude si votre enfant ne différencie pas les lettres “b” et”d”. Ce n’est pas un signe de dyslexie. Il faut seulement s’en inquiéter si ces erreurs ne disparaissent pas avec l’âge.

 

Je vous propose un petit test à faire si votre enfant à 5 ou 6 ans : mettez un point noir au bord gauche d’une page et un autre point noir au bord droit de la page. Puis demandez-lui d’écrire son prénom en partant de chacun des points. Il y a de grandes chance que pour le point à droite, il écrive de droite à gauche.

 

 

Petit jeu pour retomber en enfance et réapprendre à lire

Essayons de lire ce texte pour réapprendre à lire et retrouver les joies du décodage

 

décodage

 

Il s’agit d’un extrait revisité de “Sur la lecture” de Marcel Proust. Au début de ce texte, nous décodons les mots et notre effort de décodage met un grand frein à la compréhension. C’est ce que vivent les enfants qui apprennent. Puis enfin le texte redevient clair, les mots respectent la syntaxe. Ressentez-vous comme moi un soulagement quand enfin le sens redevient accessible ?

 

 

OUTILS D’AIDE AU DECODAGE :

– Le site Grapholearn édite un jeu d’aide au décodage, le Graphogame. “Plusieurs études ont montré que le temps d’entrainement au décodage nécessaire lors de la première année d’apprentissage de la lecture est de 30h. Or, en France, les élèves de CP passent en moyenne seulement 15h sur cette activité.”, explique-t-on sur ce site. Quelques heures de jeu permettent aux enfants augmenter fortement leur capacité de décodage.

– La méthode des Alphas, qui met en scène des lettres-personnage et qui permet aux enfants d’intégrer facilement les correspondances entre lettres et sons.

 

alphabet-des-alphas

Plus d’informations sur lesalphas.com

 

Quand apprendre à lire ?

L’incroyable expérience de Céline Alvarez a prouvé que l’apprentissage de la lecture pouvait être réalisé dès l’age de 4 ans, en mettant en oeuvre un environnement riche et coopératif, en créant du lien entre les enfants et en s’inspirant, mais pas uniquement, des idées de Maria Montessori. Beaucoup d’enfants connaissent avant le CP une période sensible où la demande de lecture est très forte. Quand ce moment survient, l’apprentissage de la correspondance entre lettres et sons peut se faire en quelques jours.

 

J’ai appris à lire, qu’ai-je appris ?

Nous l’avons vu, la lecture transforme le cerveau. Elle nous donne accès aux zones du langage parlé. L’enfant qui sait lire a acquis de nombreuses compétences. Il sait :

– identifier chaque lettre

– les localiser dans l’espace

– les grouper ensemble

– reconnaître les mots quel que soit leur police, la taille des lettres et la casse (YOUPI et youpi, c’est pareil)

– agencer les lettres : je vois bien que le “t” de trèfle est passé à la fin du mot reflet, et que ce sont deux mots différents. Une petite différence sur le papier mais une grosse pour mon cerveau

– mieux reconnaître les images en damier et les formes

– mieux détecter les formes cachées dans une image (comme par exemple dans ‘Trouver Charlie)

– traiter en parallèle toutes les lettres des mots entre 3 et 8 lettres, de façon globale, pour un accès immédiat au sens du mot

 

Toutes ces compétences font appel à la vision, mais la lecture permet aussi à l’enfant d’entendre mieux : contrairement aux personnes qui n’ont pas appris à lire et ne savent que reconnaître les syllabes ba/be/bi, l’enfant qui sait lire est capable d’entendre et d’identifier les phonèmes “b” dans “boue”, “arbre”, “abeille”

 

Comment les aider à apprendre à lire ?

C’est un objectif difficile à atteindre. Puisqu’apprendre à lire c’est savoir faire la correspondance entre graphèmes et phonèmes, il faut un enseignement explicite des correspondances lettres/son, l’enfant ne peut pas les deviner. L’enfant déchiffre d’abord, convertit les lettres en son une par une puis ensuite écoute le mot déchiffré et enfin comprend le mot. Cette compréhension du mot vient avec l’amélioration de sa capacité à lire : toutes les lettres, reconnues simultanément, permettent d’accéder au sens du mot.

 

Nous pouvons aider nos enfants dans l’apprentissage compliqué de la lecture :

– avec la connaissance des sons : articuler, corriger les erreurs de prononciation apporte une aide

– en lui lisant des histoires, pour enrichir le vocabulaire, afin qu’ils connaissent de nombreux mots pour leur permettre de donner du sens à ce qu’ils déchiffrent

– en les incitant à lire, en lisant devant eux, en ayant des livres à la maison et en les mettant à portée de main

– en apprenant à écrire car apprendre à écrire aide à apprendre à lire: écrire les lettres p et q, c’est apprendre un geste moteur différent pour les tracés, et c’est donc briser l’effet miroir. En ajoutant un geste spécifique à chaque lettre, l’enfant renforce sa capacité à mémoriser la correspondance lettre-son

– en explicitant la morphologie du français. Le français est une langue compliquée avec des suffixes, des préfixes, des conjugaisons, une racine des mots… Tous ces éléments se combinent pour créer du sens. Savoir un peu de tout cela peut aider les enfants dans leur apprentissage de la lecture.

– il faut aussi leur apprendre le sens, et la compréhension des textes. Par exemple, prenons la phrase : “Mowgli et Baloo jouent avec Bagheraa la panthère. Les trois amis sont dans la jungle.” A qui se réfère “les trois amis” ? “Où est Mowgli ?”

 

Nous espérons que vous avez eu une agréable lecture fluide et riche de sens.

 

 

 

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