La bienveillance à l’école, une nécessité

 

Aujourd’hui, nous vous proposons un article sur l’école. Et d’ailleurs, nous devrions écrire sur l’école plus souvent ! Après tout, nos enfants y passent une grande partie de leur vie et nous souhaitons qu’ils y soient biens. Qui aurait envie de laisser ses enfants malheureux ou angoissés tous les matins à l’école ?

L’école est un lieu d’échange en classe, dans la cour et à la cantine. L’école est un lieu de relations, entre élèves, entre enseignants et entre enseignants et élèves. Et qui dit relation… dit respect et bienveillance.

 

Ecolier heureux

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Alors pourquoi parler de bienveillance à l’école ?

Et bien, parce qu’elle est loin d’être la norme.

Parce que beaucoup voient uniquement dans l’école un lieu de transmission du savoir où la bienveillance et la dimension affective n’ont pas lieu d’être. Ces deux éléments seraient même gênants, des freins aux apprentissages, d’après ceux qui n’envisagent l’école que comme un lieu d’instruction, et surtout pas un lieu d’éducation. C’est un vieux débat en France : il y a ceux qui disent l’instruction c’est le rôle de l’école, l’éducation c’est le rôle de la famille, comme si les deux ne se recoupaient pas !

Parce-que le rapport du Programme International pour le Suivi des Acquis (le fameux rapport PISA) classait en 2009 la France en mauvaise position, en dessous de la moyenne, pour la qualité de la relation des élèves avec les enseignants.

Parce-que l’enquête du chercheur en psychologie Mael Virat part du constat que les enseignants en France sont très réticents à parler du lien affectif qui se tisse entre enseignants et élèves.

Il y a une sorte de non-dit dans cette relation qui est présente mais qui n’est jamais mentionnée et qu’il faut passer sous silence. Il ne faut pas d’amour mais il ne faut pas d’indifférence non plus.

 

Pourtant, “la notion de bienveillance est de plus en plus présente dans l’Education Nationale, dans le discours ambiant”, déclarait déjà en 2015 André Canvel, délégué ministériel chargé de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire. “Derrière l’élève, c’est l’enfant et l’adolescent que l’on est en train de découvrir. Une particularité de notre système éducatif est de créer des statuts : être élève est un statut avec des droits et devoirs, mais derrière l’élève il y a des enfants et des adolescents, avec des histoires personnelles et singulières”.

 

Les apports de la bienveillance aux apprentissages

Qu’apporte la dimension affective aux apprentissages ? Bonne question, non ? Il est temps de sortir du débat philosophique et de se poser vraiment la question : la bienveillance à l’école, cela marche ou pas ? Y a-t-il des études sur le sujet ?

 

Eh bien oui ! Par exemple le rapport PISA établit que “les élèves qui fréquentent un établissement dont le climat de discipline est positif tendent à être plus performants” et que “dans la plupart des pays/économies, les élèves qui fréquentent un établissement où les relations entre élèves et enseignants sont positives tendent à être plus performants”

 

Les travaux du psychologue et psychanalyste Jonathan Cohen sur le climat scolaire montrent que les relations affectives et le lien émotionnel, ont des effets sur les élèves de tout âge et favorise les apprentissages. Dans cette courte vidéo en anglais, il explique l’importance de la bienveillance à l’école.

 

 

J’ai retenu ce passage : “il y a une tendance majeure, au niveau national et international, à étudier l’implication des étudiants en relation avec leur bien-être. Encore plus important, il y a une prise de consciente croissante que le bien-être des étudiants, à quel point ils se sentent aidés, en sécurité, à quel point ils s’impliquent, est vraiment important.(…) Et il y a tellement à faire pour aider les étudiants, pas uniquement physiquement, mais socialement, émotionnellement et intellectuellement… et lorsque nous faisons tout cela nous favorisons le succès des étudiants à l’école et dans leur vie. Et ça c’est … whaouh !”

 

D’autres études montrent que ces effets sur la qualité des apprentissages est durable jusqu’à 15 ans plus tard. On retient mieux quand la relation avec l’enseignant a été bonne. On voit également que les élèves qui s’attachent à leur enseignant se sentent mieux en dehors de l’école, sont moins dépressifs et sont moins tenté de consommer des drogues.

 

Un élève motivé est un élève qui a confiance en lui, qui baigne dans une ambiance de bienveillance et qui sent qu’on a envie de le faire réussir. Un bon climat scolaire, un élève qui se sent bien à l’école, en sécurité, physique, émotionnelle, qui ne craint pas pour ses affaires, c’est un élève qui apprendra mieux.

 

La relation enfant-enseignant

D’après une étude finlandaise et une autre australienne, parue en 2015 dans the Educational Research Review, la réussite de l’enfant s’explique par la qualité de la relation enfant-enseignant. Le chercheur Mael Virat la définit ainsi : “il s’agit plutôt d’une relation asymétrique qui s’appuie sur la sensibilité de l’adulte et sa capacité à répondre aux signaux de l’enfant en faisant preuve d’acceptation et de chaleur affective. Cela coûte de l’énergie et fait que l’enseignant est personnellement affecté émotionnellement par la réussite ou l’échec de l’élève. Mais il sait qu’il n’a pas à attendre grand chose en retour.” Et lorsque les élèves sont attachés à leur enseignant, leur réussite est meilleure. On sait même que dans ce cas les enfants développent une plus grande empathie, pas uniquement à l’école mais aussi dans la vie quotidienne. On sait que si l’enfant se sent en sécurité à l’école grâce à l’attachement, alors l’enfant cherche à découvrir le monde et développe sa curiosité. Par exemple il suffit de dire à un enfant que la personne à qui il est attaché sera présente pour qu’il se mettre a travailler plus et mieux. Juste parce qu’il est rassuré.

Les rapports entre adultes sont tout autant importants que la relation élève-enseignant. Mael Virat montre que la qualité du soutien affectif prodigué aux élèves par les profs peut être prédite : elle dépend de la qualité du soutien affectif que le prof reçoit de ses collègues et de sa hiérarchie !

 

Comment susciter la bienveillance à l’école ?

La bienveillance à l’école est directement reliée, et même créée par le climat scolaire, que l’on pourrait définir comme le jugement qu’ont les parents, les enseignants et les élèves de leur expérience de la vie et du travail au sein de l’école.

 

Pour améliorer le bien-être à l’école, on peut agir sur cinq composants :

 

1 – Les relations : on ne peut pas se construire sans l’autre. L’intérêt d’une classe, ce n’est pas d’isoler l’enfant pour apprendre. L’intérêt de l’école, c’est de travailler ensemble. D’où cette suggestion : si un autre enfant dans la classe sait mieux faire son exercice, alors pourquoi ne pas faire l’exercice avec lui ? Après tout la classe est un lieu de partage, vive la coopération ! Veiller aux relations positives entre tous, aux partages des décisions, à la participation des élèves dans l’apprentissage et la discipline, valoriser la collaboration et l’entraide, mais aussi impliquer les parents dans la vie scolaire. Tout cela contribue aux bonnes relations à l’école.

 

2 – L’enseignement et l’apprentissage : donnons des outils à tous les enfants, pour apprendre, mais pas forcément de la même façon, apprendre différemment, et des choses différentes selon les enfants. Apportons de l’aide si besoin, et relions les apprentissages à la vie réelle, valorisons la créativité. L’apprentissage doit être également social, émotionnel et éthique.

 

3- La sécurité : l’enfant doit bien sûr se sentir en sécurité physiquement mais aussi émotionnellement (tolérance à la différence, réponse au harcèlement, résolution des conflits).

 

4- L’environnement physique : la propreté, la qualité des locaux, le matériel disponible dans les classes…

 

5- Le sentiment d’appartenance : avoir une langue commune, éprouver le sentiment d’être relié à la communauté scolaire, sentir l’implication, l’engagement, l’enthousiasme des professeurs et des élèves. Et la participation des parents aussi, pour ne pas créer de clivage, mais faire que parents et enseignants agissent ensemble pour l’éducation.

 

D’après André Canvel, “ce qui est important, les écoles où cela fonctionne, c’est là où au départ il y a un collectif, une communauté qui a décidé de prendre en main son destin, et pas que des enseignants, des parents aussi sont inclus dans cette communauté. Une école est une équipe qui travaille ensemble, et dans laquelle l’enfant doit se sentir en sécurité et protéger. Et pour cela, le maître mot est la cohérence, dans les sanctions et dans les approches. L’enfant pour être bien doit se sentir dans une entité cohérente. Cela va donner du sens. S’il n’y a pas d’unité dans l’école, même si tout en classe est très bien, l’élève est aussi dans les couloirs, dans la cour, et va sentir cette absence de référence commune, et les études montrent que ce sont justement les élèves les plus fragiles qui ont besoin de référence et d’un cadre cohérent”.

 

Et si…

on allait plus loin que cette nécessaire bienveillance ? Si maintenant on dépassait le vivre ensemble et se mettait à parler du faire ensemble ?

 

 

 

 

Sources :

– André Canvel , délégué ministériel chargé de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire

– Maël Virat , chercheur en psychologie pour l’École nationale de protection judiciaire de la jeunesse à Roubaix.

– Interviews de Maël Virat :

à propos de sa thèse en 2015:

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2015/10/14102015Article635804030123394066.aspx

à propos de son livre paru en 2019:

http://www.cafepedagogique.net/LEXPRESSO/Pages/2019/04/05042019Article636900478867665438.aspx

– Le podcast de France-Culture : Les vertus scolaires

– France Stratégie : “Pour un développement complet de l’enfant et de l’adolescent ” – par François de Singly et Vanessa Wisnia-Weill

https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs_rapport_commission_enfance_29092015_bat.pdf

– Sur le climat scolaire, on peut lire http://www4.ac-nancy-metz.fr/cpe/CS/climat-scolaire2012.pdf

– Le rapport PISA : http://www.oecd.org/pisa/46624382.pdf

– Jonathan Cohen, en 2006 :  Social, emotional, ethical and academic education: Creating a climate for learning, participation in democracy and well-being. Harvard Educational Review, 76(2), Summer, 201-237

Partager l'article
  •  
  •  
  •  

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *