Les notes à l’école : quel impact sur nos enfants ?

 

Les notes à l’école ? Imaginons-les dans notre univers professionnel ! Votre supérieur hiérarchique vous donnerait sans cesse de nouvelles tâches, de nouveaux défis, exigeant réflexions, mémoire et production écrite, et vous évaluerait devant tous vos collègues dans l’open-space avec une note et un commentaire… Situation un peu stressante, non ?

 

C’est un peu ce que vivent nos enfants à l’école, pour ceux qui ont des notes. Pour certains, c’est l’entrée au collège qui donnera le top départ de la course aux bonnes notes.

Et c’est un point à surveiller, car pour l’enfant qui doit s’adapter à un autre rythme, à un lieu différent, qui veut se faire de nouveaux amis, qui grandit et devient plus sensible au regard de l’autre, l’arrivée des notes (et surtout si elles sont basses) peut ouvrir une brèche dans son estime de soi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour ceux qui n’ont pas de notes, il y a les évaluations, mais souvent uniquement dans les petites classes…

Différence entre évaluations et notes

 

Mon fils, par exemple, évolue dans un système d’évaluation qualitatif à quatre niveaux, aux appréciations positives :

 

– NA : Non Acquis

– AR : A Renforcer

– ECA : En Cours d’Acquisition

– A : Acquis

 

Ces appréciations évaluent un savoir : la géographie de la France est à renforcer, la géométrie du triangle est acquise… Je les trouve plutôt positives : “Non Acquis” est un fait, pas un jugement. “A renforcer “ égratigne moins que “A revoir” ou “Peut mieux faire”. “En Cours d’acquisition” souligne le progrès en train de s’accomplir…

 

Au collège, il va certainement passer à un système quantitatif de notification sur 20 niveaux, un système beaucoup plus fin (quelle est exactement la différence entre une note de 13 et une note de 14 ?), un système de notes qui qualifie l’élève plutôt que la matière. On dit bien que l’élève a eu 13 et non que l’élève est à renforcer, pas vrai ?

 

Ne serait-ce pas envisageable d’étendre ce système d’évaluation à toutes les écoles et tous les niveaux plutôt que les notes ?

 

Qu’est-ce qu’une note ?

 

La note est victime d’une hérédité assez lourde. En effet, c’est une marque, un signe, mais quand il ne s’agit pas de musique, le mot est de mauvaise augure. Au 12ème siècle, c’est, d’après le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (une entité du CNRS), un “reproche, un blâme”, puis au 16ème siècle, “une flétrissure, une tâche”, et enfin, au 19ème siècle, “une appréciation donnée par un maître sur un élève”. On voit que le mot ne s’enracine pas dans un terreau bien positif !

 

C’est ainsi que depuis le 19ème siècle, le système scolaire français s’est construit non pas sur l’acquisition des savoirs mais sur le jugement et le classement des élèves. C’est tout le problème des notes : il pousse les élèves à se juger entre eux et à se comparer. Les enfants n’évaluent pas leur valeur intrinsèque par rapport à eux-même, par rapport à ce qu’ils sont capables de faire et à leur propres objectifs mais se forgent une idée de leur valeur par leur capacité à faire mieux que le copain. En conséquence, l’élève un peu à la traine aura beau être le champion de la progression et avoir le plus fort taux d’amélioration, s’il reste en deçà du niveau de ses camarades, rien n’ira booster sa confiance en lui. A ses yeux, il se verra toujours inférieur aux autres.

 

Le système scolaire repose sur l’idée que les élèves s’appuient tous sur un socle commun et partent avec les mêmes bases. Il semble donc que le système de notes ne prenne pas en considération le fait que chaque enfant est singulier et a des talents particuliers.

 

Le système n’est pas parfait mais quel système n’a pas ses défauts ? Après tout, moi qui écrit cet article, j’ai grandi avec les notes et j’ai survécu. Peut-être que les notes sont motivantes et utiles aux étudiants ?

 

 

La question de la pertinence des notes a donc été posée au psychologue cognitiviste Stanislas Dehaene.

 

Les notes à la lumière des neurosciences

Voyons tout d’abord les 3 façons d’apprendre :

 

1- L’apprentissage non supervisé, autrement dit sans prof ni parent : l’enfant essaye de trouver des régularités dans une suite de nombres ou de dessins par exemple, c’est un quizz où il est laissé à lui-même, il tâtonne. L’apprentissage non supervisé correspond à ce qui se passe quand l’enfant doit internaliser tout seul des représentations abstraites. C’est un apprentissage exploratoire, l’enfant apprend sans aide ni guide extérieur.

 

2- L’apprentissage supervisé. Là au contraire, un guide est présent : l’enfant est orienté dans la façon d’obtenir un résultat, on le laisse chercher un temps puis on lui donne la bonne réponse pour lui expliquer le mécanisme à mettre en œuvre, par exemple le résultat des additions. Il va travailler alors à rebours, pour s’auto-corriger.

 

3- L’apprentissage par récompense : on ne donne pas la bonne réponse à l’enfant, mais on lui donne un chiffre qui lui permet de savoir s’il était proche de la bonne réponse, à quel point il a vu juste ou à quel point il était éloigné du résultat. Les résultats sont moins bons que l’apprentissage supervisé car pour nous voyons bien qu’il est difficile de savoir quels éléments modifier pour s’approcher plus près de la réponse attendue.

 

Pas besoin d’être magicien pour se figurer que l’apprentissage supervisé est le meilleur. Cela tombe bien, les machines sont d’accord. En effet, ce sont ces trois types d’apprentissages que les chercheurs mettent en œuvre pour tester des intelligences artificielles, et leurs expériences montrent que les réseaux de neurones apprennent mieux dans le cas d’une supervision.

 

Mais alors, quel est le fonctionnement de l’école ? Eh bien, l’école fonctionne sur un système d’apprentissage par récompense. Dans ce cas, c’est la note donnée en classe qui peut être considérée comme la récompense. Et il y a plusieurs problèmes :

 

La note est une récompense non spécifique. Elle récompense la somme des bonnes réponses. Elle ne permet pas de distinguer les différents types d’erreur. Dans le cas d’un élève en grande difficulté qui a régulièrement des zéros, la note ne varie pas. Qu’il fasse des efforts ou non, il aura une note de zéro avec 40 fautes aussi bien que s’il n’avait fait que 20 fautes en ayant malgré tout fourni un gros effort.

La note est différée. Elle arrive trop tard après l’évaluation pour permettre à l’enfant de se corriger. Non seulement il ne peut pas travailler à rebours et s’auto-corriger comme le peuvent les machines, mais quand la note arrive, souvent une semaine après le contrôle, il a en partie oublié l’énoncé et de quelle façon il a tenté de répondre à la question-

La note peut être injuste. Car sa signification change de sens au fur et à mesure du temps ! En effet, les contrôles deviennent de plus en plus complexes avec les jours qui passent, ils exigent de l’enfant de cumuler les connaissances. C’est comme si un sprinteur se lançait dans une course de haies où les haies augmenteraient de taille régulièrement au fur et à mesure de sa progression sur la piste ! Difficile de franchir la ligne d’arrivée quand les premières haies sont déjà trop hautes. Il en est pourtant ainsi des notes. Obtenir une note correcte demande des efforts sans cesse renouvelés et ne permet pas aux enfants en difficulté de voir récompenser leurs efforts. Le cadre d’évaluation change sans cesse alors que pour que l’enfant se sente progresser, il serait tout de même logique que le cadre des connaissances exigées reste identique. Le niveau augmentant sans cesse, l’enfant est obligé de courir pour se maintenir sur place, engagé comme Alice dans une course avec la reine rouge *

Les basses notes ont un effet stigmatisant, elles isolent l’élève en difficulté des autres élèves

Les basses notes ont un impact sur l’estime de soi.

 

Que devrait-être la note ?

 

Puisque la note n’est pas destinée à durer, qu’elle a pour but de donner une indication sur l’acquisition d’une connaissance à un instant donné, voici ce qu’on pourrait-on faire pour l’améliorer :

 

– La note devrait être beaucoup plus détaillée et précise, elle devrait signaler les erreurs et les réussites.

– La note devrait être donnée rapidement après l’évaluation.

– La note ne devrait pouvoir évoluer qu’en augmentant tout le temps puisque l’enfant progresse dans ses apprentissages. (Qu’est ce que j’aurai aimé ça !)

– L’examen doit pouvoir être refait autant de fois qu’il faut pour permettre à l’enfant de se sentir progresser et de s’auto-évaluer.

 

 

Note et estime de soi

Il faut bien faire comprendre qu’une note de 5/20 en géographie signifie simplement que l’on connait 25% du cours, et qu’elle ne constitue pas un jugement sur l’enfant. Malheureusement je n’ai jamais vu un résultat de contrôle présenté de cette façon… Les notes ont un effet direct sur l’estime de soi. Et des notes, il y en aura tout le temps et partout… Donc, une des seules choses que l’on puisse faire, c’est écouter son enfant quand il nous parle de l’école et de ses difficultés, et lui offrir une petite cure d’estime de soi :

 

– Disons-lui qu’on l’aime

– Remarquons ses réussites, notons ses réalisations et pourquoi elles nous touchent ou nous impressionnent

– Remercions-le à la moindre occasion, remercions-le d’être lui.

 

Et vous, qu’en pensez-vous ? Quelle est votre expérience des notes ? Dites le nous dans un commentaire.

 

 

* Et maintenant, je vous invite à faire connaissance avec la reine rouge, dans cet extrait de “De l’autre côté du miroir” de Lewis Carroll :

 

« Juste à ce moment, je ne sais pourquoi, [Alice et la Reine Rouge] se mirent à courir.

(…) Alice regarda autour d’elle d’un air stupéfait.

– Mais voyons, s’exclama-t-elle, je crois vraiment que nous n’avons pas bougé de sous cet arbre ! Tout est exactement comme c’était !

– Bien sûr, répliqua la Reine ; comment voudrais-tu que ce fût ?

– Ma foi, dans mon pays à moi, répondit Alice, encore un peu essoufflée, on arriverait généralement à un autre endroit si on courait très vite pendant longtemps, comme nous venons de le faire.

– On va bien lentement dans ton pays ! Ici, vois-tu, on est obligé de courir tant qu’on peut pour rester au même endroit. »

 

 

 

Sources :

– Cours de Stanislas Dehaene au Collège de France, 17 février 2015

– L’étymologie de note ici sur le site du CNRTL

 

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One Reply to “Les notes à l’école : quel impact sur nos enfants ?”

  1. Et les profs au collège qui notent sans barème, sans grille critériée ! Comment l’enfant peut savoir où il se situe ???? Et les évaluations qui n’ont rien à voir avec le contenu du cours, quid de l’alignement pédagogique ????? Arghhhh ça me rend dingue !

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