– C’est décidé, cet été on part au Sri Lanka !
– Mais vous faites quoi des enfants ? Vous les laissez aux grands-parents ou ils vont en colonie ?
– Non, on part au Sri Lanka pour un voyage en famille, tous les quatre.
– Ah bon ? Ce doit être difficile, je ne pourrai pas. Et si les enfants sont malades ? Et ils vont manger quoi ? C’est compliqué quand même… Vous avez pensé à la sécurité ?
Ce qu’il y a de bien avec les voyages c’est qu’on y prend goût. Et ce n’est pas parce qu’un jour on a des enfants que l’envie de voyager disparaît. Pourquoi s’arrêter ? Comme beaucoup de choses qui se révèlent plus simples dans l’action que dans la réflexion et les discussions, voyager avec des enfants se révèlent bien plus facile que ce que l’on peut s’imaginer depuis son canapé.
Alors, ici, nous voulons parler du voyage-découverte. On peut faire un séjour bien agréable dans un hôtel en République Dominicaine ou se poser sur une plage sous les cocotiers et ne plus en bouger, mais ce n’est pas cela voyager pour nous. Même si les cocotiers et la plage sont fortement recommandés pour tous, et les enfants adorent, le voyage ne peut se réduire à cette pause salutaire. Il faut visiter, se déplacer, changer de lieu. Rien d’extraordinaire, mais être un touriste nomade apporte tellement plus.
Pourquoi voyager avec des enfants ?
Comme le dit l’adage bien connu, les voyages forment la jeunesse ! En partant en voyage, on choisit de se retirer du quotidien et d’organiser une rupture avec sa vie habituelle. Cette excitation qu’il y a à partir, et cette vague angoisse à se projeter dans un lieu inconnu, quel plaisir !
Construire un projet
Un voyage avec des enfants se prépare, et cette préparation du voyage se fait en famille. C’est réfléchir à ce que l’on a envie de faire :
– Vous voulez quoi comme style de pays les enfants ?
– Je veux des animaux et la mer !
– Je veux la forêt et des montagnes !
– Et la mer, elle est comment ?
– Chaude !
– Et pourquoi la montagne ?
– Pour faire des ballades.
– Bon, alors il nous faut un pays tropical avec une mer chaude et de la forêt, des animaux et des montagnes. Si ce sont des grosses collines, cela va quand même ?
On le voit, il n’est pas toujours facile de satisfaire les envies de tous. Alors il faut préparer. Préparer un voyage, c’est pour les enfants comme faire un exposé à l’école : c’est chercher des informations dans les guides, ouvrir un index, réfléchir à ce que l’on aime et souhaite faire, planifier un tout petit peu, relier des points sur une carte en élaborant un trajet minimum et une fluidité maximum. C’est se projeter et anticiper le plaisir, c’est apprendre en étant inclus dans les décisions familiales. Préparation, inclusion, participation, ces apprentissages… que du bon !
Rencontrer l’ailleurs et faire des découvertes
Au fond, pourquoi voyage-t-on si ce n’est pour sortir de la routine ? Sortir des routines, c’est faire des choses nouvelles, voir des choses nouvelles. Justement, les enfants ont naturellement envie d’explorer. Pour ça, le voyage est magique, il nourrit leurs envies de découvertes.
– Les enfants, c’est comment de voyager?
– C’est bien !
– Qu’est ce qui est bien dans le voyage ?
– On découvre des trucs nouveaux…
– C’est quoi les trucs?
– Des bâtiments, les temples, la langue, la nourriture… On mange d’autres choses qu’en France.
– Et quoi d’autre ?
– On s’amuse, on découvre des choses… ah oui, les beaux paysages aussi !
– Et c’est bien de découvrir des choses ?
– Ouiiiiiiii !
Les découvertes c’est aussi apprendre la grande Histoire par les petites histoires : fresques, églises, temples et ruines permettent de transmettre des connaissances culturelles et des croyances. Les vies de Jésus ou de Bouddhas se racontent bien. L’architecture s’adapte à la météo et aux invasions, la nourriture se lie à la botanique et aux plantations. Invasions, destructions, reconstructions, religions, alimentations, ces apprentissages… que du bon !
Rencontrer l’Autre et discuter avec les gens
Regarder et découvrir c’est bien. Mais il y a une chose indispensable que l’on peut faire découvrir aux enfants en voyage, c’est que les gens sont gentils. Bien sûr il ne s’agit pas d’être naïf ou imprudent. Mais comme on dit en Iran ou en Afghanistan, le touriste est un musafer, un voyageur de passage. Nous sommes en transit dans un pays qui nous accueille. Il faut rendre la pareille, respecter les personnes et les coutumes. C’est un bel exemple de respect à montrer aux enfants que de ne pas prendre une photo quand pourtant le déclencheur nous démange, ou de faire l’effort de demander l’autorisation. Rencontrer les gens, et découvrir leur mode de vie, c’est apprendre la langue, ouvrir le lexique à la fin du guide, dire « bonjour », « merci » et « au revoir ». Rien que ces trois mots et les visages vous sourient. Des opportunités se créent. Faire des rencontres n’a rien d’un exploit : dormir dans une guesthouse, aller acheter des fruits au marché, quitter la grand-rue pour s’enfoncer dans des allées, prendre un bus, jouer au foot avec des enfants dans un terrain vague, faire le clown et descendre de son piédestal de touriste inaccessible pour montrer que l’on est humain. Tout ça, les enfants nous le voient faire et le font encore plus spontanément, naturellement. Attention portée à autrui, petites expressions, interactions, discussions, ces apprentissages… que du bon !
Changer sa vision du monde
L’univers des enfants est celui dans lequel ils grandissent : tout est naturel pour eux. Avoir du chauffage, des murs solides, de l’eau au robinet, de l’eau chaude dans la douche… En voyageant, ils découvrent par eux même la richesse ou la pauvreté des pays qu’ils visitent. On peut leur expliquer, s’ils ne sont pas trop petits, en quoi consistent les forces et les faiblesses d’un pays. Par petites touches, on peut les sensibiliser aux différences économiques. Meilleure vision du monde, globalisation, ces apprentissages… que du bon !
Débrouillardise, confiance en soi et attention
Etre un enfant en voyage, ce n’est pas toujours facile ! On perd ses habitudes, on est souvent fatigué, on a faim, soif et chaud parfois. Tout est nouveau et il faut sans cesse s’adapter. Les rituels sont rompus, les repères s’estompent, les copains sont loin. Il faut être débrouillard et avoir confiance pour aller acheter une banane sur un étal dans la rue. Il faut trouver des ressources pour supporter un voyage en train interminable ou la chaleur étouffante de la guesthouse sans climatisation. Il faut chercher des solutions à tous ces petits désagréments. L’attention est très sollicitée en voyage, tout est nouveau. Pour ne pas zapper d’un sujet à l’autre, pour conserver son attention, pour analyser tout ce qui se passe, il faut de la concentration et des ressources aussi. Estimation, attention, solutions, concentration, ces apprentissages… que du bon !
Comment faire pour que tout se passe bien ?
Le facteur primordial à prendre en compte quand on voyage avec des enfants, c’est le temps. Voyager avec des enfants, c’est prendre le temps de flâner, de découvrir ensemble et aussi ne pas oublier de prendre le temps de jouer. D’ailleurs c’est bien simple, on est toute la journée ensemble, et même 24h sur 24h. Cela laisse du temps à partager. Donc… ne pas foncer pour tout visiter au pas de course !
Le deuxième facteur essentiel, c’est l’écoute et l’attention portées aux enfants. Il est important de faire attention aux signes de fatigue et de faim. Les enfants peuvent être déstabilisés et plus facilement se sentir frustrés et fatigués. Cela demande de la part des parents plus d’attention et plus de patience, et un peu d’anticipation. On peut profiter d’être plus disponible pour être dans la recherche du bon équilibre pour chacun, et être attentionné aux limites de chacun.
Remarquez, c’est exactement la même situation qu’un voyage entre adultes. Quand on est en groupe, nous faisons déjà cet effort de prendre en compte tout le monde. Nous savons réviser nos attentes et ajuster les besoins de chacun pour trouver un équilibre qui satisfasse chacun. Cela peut demander un effort, il faut être plus à l’écoute de l’autre. C’est ce que l’on fait de toute façon quand on voyage avec des amis, donc pourquoi ne pas le faire avec les enfants ?
Et si… le voyage était encore plus que tout cela ?
Il y a toujours quelque chose qui définit une famille, une tribu. Le voyage pourrait bien être ce socle ou les fondations qui définissent la famille. Car en voyageant, nos enfants se construisent, mais nous nous construisons aussi avec eux, nous construisons plein de souvenirs communs, créons de la complicité, et cela fait partie de notre histoire. L’Histoire de la famille.